Electricité Photovoltaïque

Le photovoltaïque est aujourd’hui l'une des énergies renouvelables les plus chères du monde, mais elle est suscite pourtant un fort enthousiasme et concentre des efforts de recherches considérables. Il faut dire que l'énergie lumineuse reçue sur la surface de la terre est considérable : elle représente 7000 fois notre consommation mondiale. De quoi laisser rêveur. Oui, mais pour l'instant, cette énergie est chère et sa production pendant la journée dépend des caprices de la météo, alors que l'électricité se stocke mal.

Par ailleurs, sa fabrication peut générer des émissions de GES importantes, qu'il faut comparer aux émissions évitées. Le bilan est -il positif ? Cela dépend de plusieurs paramètres : type et lieu de fabrication, emplacement, et contenu carbone de l'électricité produite localement.

Nous calculons ici le temps de retour carbone des panneaux photovoltaïques en nous basant sur les études disponibles. Par ailleurs, nous faisons le point sur les autres aspects de son utilisation : impact de sa fabrication, recyclage, intermittence.

En effet il faut prendre en compte l'ensemble de ces aspects dans le cadre d'une politique de développement durable. Le tableau est ainsi moins idyllique que certains pourraient le penser, mais surtout moins catastrophique que d'autres le prétendent. La prise en compte de ces paramètres pourrait aider à déployer le photovoltaïque de manière pertinente.

Electricité Photovoltaïque

1) Perspectives

La plus chère ... et la plus prometteuse ?

Le photovoltaïque est aujourd’hui l'une des énergies renouvelables les plus chères du monde, mais elle est suscite pourtant un fort enthousiasme et concentre des efforts de recherches considérables dans certains pays.

Il faut dire que l'énergie lumineuse reçue sur la surface de la terre est considérable : elle représente 7000 fois notre consommation mondiale. Chaque seconde, nous recevons l'équivalent de notre consommation annuelle.  En capter une infime quantité (0,01%), suffirait à notre consommation. Or un panneau possède aujourd'hui un rendement moyen de 7%, et il est en hausse. De quoi laisser rêveur !

Oui, mais : pour l'instant, cette énergie est chère. Sa production est uniquement diurne et dépend des caprices de la météo alors que l'électricité ne se stocke pas en quantité importante. De plus, sa fabrication implique un processus industriel lourd, dispendieux en énergie et son cycle de vie (depuis l'extraction des matériaux à la fin de vie) pourrait faire apparaître des substances ou des procédés nocifs pour l'environnement ou pour les personnes travaillant à son élaboration.

Alors, énergie du futur ou mirage technologique ?

Pour en savoir plus, il faudrait analyser son cycle de vie et comparer les scénarios d'utilisation du photovoltaïque (PV) avec d'autres scénarios. Plutôt que de répéter les approximations qu'on entend parfois, on se référera à des informations issus des revues scientifiques ou des publications officielles et on synthétisera certain résultats. Nous pourrons prendre également notre propre calculette pour éaborer certaines données,  notamment celles concernant la très discutée empreinte carbone dans son contexte d'utilisation.

Comparer les scénarios sur le cycle de vie

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut pas être complètement neutre en matière d’environnement. Mais aucun processus n'est complétement neutre ... Nous ne sommes pas au pays de Bambi, et une énergie favorable au développement durable ne signifie pas qu'elle n'a aucun impact. Ce n'est pas une raison pour la rejeter ... ni pour l'adopter. C'est par contre une bonne raison pour analyser soigneusement l'ensemble des impacts liés à son utilisation, et comparer ceux-ci avec les autres scénarios énergétique. C'est ce qu'on appelle une analyse de cycle de vie dans laquelle on étudira :

 
  • Le coût global de production et intégration au réseau électrique.
  • L'intérêt économique direct : temps de retour sur investissement, rentabilité, investissement de départ, aléas économiques.
  • Le temps de retour énergétique et temps de retour carbone
  • Les émissions de polluants lors de l'extraction de matières premières, du process de fabrication, de la fin de vie, y compris pour les équipements associés.
  • Les impacts sanitaires et sociaux sur le personnel de production, d'installation, de maintenance.
  • La sensibilité aux aléas sur l'approvisionnement en matières premières.
  • Les effets économiques induit et emplois indirects liés à la filière industrielle.
  • Les émissions de polluants et de gaz à effet de serre évités par substitution à d'autres modes de production.
  • La sécurité énergétique.
  • La cohérence avec la stratégie énergétique et industrielle
  • Les effet visuels, et l'acceptabilité, le contexte réglementaire.

 C'est seulement en comparant ces paramètres que l'on peut élaborer des scénarios pertinents, en cohérence avec une stratégie de développement durable.

Nous ferons ici un état des lieux des impacts tels qu'ils apparaissent dans la littérature scientifique et les rapports officiels, et nous procéderons tout particulièrement à un focus sur les notions de retour énergétique et de temps de retour carbone, qui nous ont semblés être des concepts importants mais assez mal maîtrisés par une majorité de personne.

2) Sobriété et confort énergétique

Moins d'énergie pour un meilleur service énergétique et plus de confortngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Avant de savoir quelle énergie produire, il convient de se demander la quantité qui nous sera nécessaire, pour un confort égal ou supérieur, après ajustement de nos comportements et utilisation d'équipements efficaces. Or les gains dans ce domaine sont considérables.

On sait en revanche que les progrès technologiques se traduisent souvent par une hausse des besoins ou par des usages inutiles. Les besoins humains croissent souvent plus vite que la technologie ...

Il est pourtant possible de réduire sa consommation. Efficacité énergétiquePar exemple on peut réduire considérablement la dépense énergétique d'un bâtiment tout en augmentant le confort : moins de parois froides, meilleur renouvellement de l'air, température régulée. Les appareils non utilisé éteints,  ou avec une consommation en veille contrôlée et ayant une meilleur efficacité permettront d'économiser une grande quantité d'énergie. Ces gains peuvent être considérables et se porter facilement à 30% pour l'ensemble des usages - voir plus. 

 

Cela rendra facilitera d'autant la transition énergétique. La démarche développement durable ne consiste donc pas à fournir la même quantité d'énergie qu'aujourd'hui mais à fournir une quantité d'énergie permettant un confort égal ou supérieur à aujourd'hui, à l'aide de moyen respectueux de l'homme et de l'environnement. Cela passe par trois étape popularisée par l'association négaWatt : 1. Sobriété 2. Efficacité 3. Energies renouvelables

La première des énergies renouvelables est donc celle que l'on ne consomme pas : ce sont les négaWatts. Il ne s'agit pas là d'un retour en arrière ou d'une décroissance. Par exemple une maison mieux isolée est plus saine et confortable, et les travaux pour y parvenir généreront une activité économique importante ainsi que de nombreux emplois. Tout en réduisant  l'impact sur l'environnement. Bref, une stratégie gagnante.

Une fois que l'énergie nécessaire au confort est calculé, il conviendra de se demander s'il est pertinent d'avoir recours aux énergies renouvelables, et notamment à l'énergie photovoltaïque.

3) Photovoltaïque : quel rendement énergétique, quel impact sur les émissions de GES ?

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE) est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Mais il s’agit là d’une erreur qui peut venir d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 ans à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) répond à cette question[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque permet-il d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement de centrales électriques qui, elles, émettent généralement des gaz à effet de serre. Le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend donc largement de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs, la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième facteur : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

 

Temps de retour énergétique Temps nécessaire pour que l'énergie utilisée pour fabriquer, installer et recycler le panneau soit compensée par l'énergie produite.

Dépend du lieu de fabrication, du processus de fabrication, du lieu et du mode d'implantation.
Temps de retour carbone
Temps nécessaire pour que les GES émis pour fabriquer, installer et recycler le panneau soit compensés par les émissions évitées.

Les émissions évitées sont celles qui auraient eu lieu sans l'installation du panneau.  Elle peuvent se calculer d'après un scénario tendantiel ou d'autres scénarios.
 
Dépend du lieu de fabrication, du processus de fabrication, de l'ensoleillement et sensiblement du mix énergétique du lieu d'utilisation

 

C’est pourquoi annoncer un temps de retour carbone indépendemment du lieu d'implantation, du lieu de raffinage du silicium et de fabrication des cellules ainsi que du process n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes qui feraient état d’un temps de retour carbone de 15 à 20 ans du fait du taux d'émission de GES de  l'électricité nucléaire très bas.  Il convient cependant de comptabiliser les émissions de GES de l'électricité consommée en France (qui inclut l'électricité importée en période de pointe), et non l'électricité produite en France (dont une part est exportée). Il n'est bien sûr pas pertinent de comparer avec l'électricité nucléaire, puisque celle-ci ne peut suffire à l'approvisionnement électrique (elle ne fournit que l'électrticité de base, 70% environ).

En tout état de cause ce chiffre sera très variable et dépendra de plusieurs paramètres. Il est important de les comprendre afin d’en saisir la signification et d'identifier les leviers d’actions.

 

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul du temps de retour carbone, mais on peut les évaluer selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication des panneaux photovoltaïques dont l'estimation est donnée dans le rapport de l’Hespul publié en 2009, et la deuxième déduit ce chifre des facteurs d’émission communiquées par diverses sources, de la durée de vie et de la production moyenne d'un panneau (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à la production électrique moyenne, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe, qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France. Il faut de plus tenir compte du lieu et de la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.

Temps de retour carbone du photovoltaïque :

 

Lieu de fabrication / d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

moy. Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

moy. Monde / France

Facteurs d’émission

 Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

moy. Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

moy. Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

moy. Monde / Europe

Facteurs d’émission

 Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il varie selon le lieu de fabrication et peut devenir intéressant même avec les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est joue un rôle important et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences concernant le bilan en carbone pour la fabrication des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008 [Note Ademe], se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009 [Rapport Coe-Rexecode], on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales à énergie fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux ! En effet, une usine de fabrication peut optimiser sa consommation pour consommer davantage d'électricité de base, moins chère et moins émettrice.

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

On a vu que si on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité carbone moyene de l'électricité en France, le temps de retour calculé sera souvent mauvais. Cela est dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Ainsi critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien sûr, les avis divergent à ce sujet. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être pris en considération par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française et encore moins avec la consommation d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la structure variable de l'intensité carbone de l'électricité selon le moment de la journée et la manière dont les ENR intermittentes s'intègrent dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est alors très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est en premier lieu l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, une éventuelle réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant l'énergie photovoltaïque rentable.  Celle-ci est la plus chère des énergies renouvelables, et son prix diminuera peu à peu jusqu'à devenir rentable probablement dans une vingtaine d'année en France.

Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française en prenant en compte les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings. Là encore cette surface n’est pas entièrement recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi son potentiel est considérable. Mais faut-il commencer maintenant, au vu des coûts actuels ?

Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au prix de marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans subventions.

Mais surtout, le sucoût actuel se justifie en termes économiques par le développement d'une filière industrielle française. Les retombées en termes d'emploi et d'activité économique peuvent être importantes et le bilan peut devenir ainsi largement positif. D'autant que si l'électricité photovoltaïque se substitue à une production fossile, elle permet d'éviter des importations couteuses et sans bénéfices économiques. Mais pour cela, il faut une action politique d'encouragement dans la durée. On constate en effet que les grands fabricants d'éoliennes et de photovoltaïque se situent dans des pays qui ont depuis longtemps encouragés la filière sur leur marché local. Une filière ne se construit pas du jour au lendemain et a besoin de visibilité pour investir. Nous vous présenterons prochainement une étude à ce sujet, à propos d'un article sur l'éolien.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et les ENR ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de compenser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique pourrait être obtenue dans une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008, page Ademe sur le sujet
Quelques sites :

 


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.

Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommationd’électricité. Ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, la réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant le photovoltaïque rentable. Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur plutôt favorable. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française, avec les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings (réf). Là encore cette surface n’est pas bien sûr toute recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi le potentiel de cette énergie à terme est considérable. Mais faut-il commencer maintenant ?

On obtient des coûts de plus en plus intéressants pour les centrales photovoltaïques au sol, et on assiste à une baisse continue pour les coûts avec des panneaux posés sur les toits. Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité, même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au niveau constaté sur le marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans surcoûts.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et surtout de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et elles ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, et ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. Dans les pays où les énergies renouvelables sont encouragées depuis longtemps, il existe une industrie dynamique et créatrice d’emploi. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de rembourser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique photovoltaïque pourrait advenir à un horizon d'une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, une éventuelle réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant l'énergie photovoltaïque rentable.  Celle-ci est la plus chère des énergies renouvelables, et son prix diminuera peu à peu jusqu'à devenir rentable probablement dans une vingtaine d'année en France.

Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française en prenant en compte les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings. Là encore cette surface n’est pas entièrement recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi son potentiel est considérable. Mais faut-il commencer maintenant, au vu des coûts actuels ?

Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au prix de marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans subventions.

Mais surtout, le sucoût actuel se justifie en termes économiques par le développement d'une filière industrielle française. Les retombées en termes d'emploi et d'activité économique peuvent être importantes et le bilan peut devenir ainsi largement positif. D'autant que si l'électricité photovoltaïque se substitue à une production fossile, elle permet d'éviter des importations couteuses et sans bénéfices économiques. Mais pour cela, il faut une action politique d'encouragement dans la durée. On constate en effet que les grands fabricants d'éoliennes et de photovoltaïque se situent dans des pays qui ont depuis longtemps encouragés la filière sur leur marché local. Une filière ne se construit pas du jour au lendemain et a besoin de visibilité pour investir. Nous vous présenterons prochainement une étude à ce sujet, à propos d'un article sur l'éolien.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et les ENR ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de compenser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique pourrait être obtenue dans une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, la réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant le photovoltaïque rentable. Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur plutôt favorable. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française, avec les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings (réf). Là encore cette surface n’est pas bien sûr toute recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi le potentiel de cette énergie à terme est considérable. Mais faut-il commencer maintenant ?

On obtient des coûts de plus en plus intéressants pour les centrales photovoltaïques au sol, et on assiste à une baisse continue pour les coûts avec des panneaux posés sur les toits. Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité, même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au niveau constaté sur le marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans surcoûts.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et surtout de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et elles ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, et ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. Dans les pays où les énergies renouvelables sont encouragées depuis longtemps, il existe une industrie dynamique et créatrice d’emploi. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de rembourser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique photovoltaïque pourrait advenir à un horizon d'une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


 {jcomments on}

1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, une éventuelle réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant l'énergie photovoltaïque rentable.  Celle-ci est la plus chère des énergies renouvelables, et son prix diminuera peu à peu jusqu'à devenir rentable probablement dans une vingtaine d'année en France.

Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française en prenant en compte les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings. Là encore cette surface n’est pas entièrement recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi son potentiel est considérable. Mais faut-il commencer maintenant, au vu des coûts actuels ?

Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au prix de marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans subventions.

Mais surtout, le sucoût actuel se justifie en termes économiques par le développement d'une filière industrielle française. Les retombées en termes d'emploi et d'activité économique peuvent être importantes et le bilan peut devenir ainsi largement positif. D'autant que si l'électricité photovoltaïque se substitue à une production fossile, elle permet d'éviter des importations couteuses et sans bénéfices économiques. Mais pour cela, il faut une action politique d'encouragement dans la durée. On constate en effet que les grands fabricants d'éoliennes et de photovoltaïque se situent dans des pays qui ont depuis longtemps encouragés la filière sur leur marché local. Une filière ne se construit pas du jour au lendemain et a besoin de visibilité pour investir. Nous vous présenterons prochainement une étude à ce sujet, à propos d'un article sur l'éolien.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et les ENR ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de compenser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique pourrait être obtenue dans une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, la réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant le photovoltaïque rentable. Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur plutôt favorable. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française, avec les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings (réf). Là encore cette surface n’est pas bien sûr toute recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi le potentiel de cette énergie à terme est considérable. Mais faut-il commencer maintenant ?

On obtient des coûts de plus en plus intéressants pour les centrales photovoltaïques au sol, et on assiste à une baisse continue pour les coûts avec des panneaux posés sur les toits. Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité, même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au niveau constaté sur le marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans surcoûts.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et surtout de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et elles ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, et ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. Dans les pays où les énergies renouvelables sont encouragées depuis longtemps, il existe une industrie dynamique et créatrice d’emploi. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de rembourser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique photovoltaïque pourrait advenir à un horizon d'une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, une éventuelle réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant l'énergie photovoltaïque rentable.  Celle-ci est la plus chère des énergies renouvelables, et son prix diminuera peu à peu jusqu'à devenir rentable probablement dans une vingtaine d'année en France.

Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française en prenant en compte les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings. Là encore cette surface n’est pas entièrement recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi son potentiel est considérable. Mais faut-il commencer maintenant, au vu des coûts actuels ?

Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au prix de marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans subventions.

Mais surtout, le sucoût actuel se justifie en termes économiques par le développement d'une filière industrielle française. Les retombées en termes d'emploi et d'activité économique peuvent être importantes et le bilan peut devenir ainsi largement positif. D'autant que si l'électricité photovoltaïque se substitue à une production fossile, elle permet d'éviter des importations couteuses et sans bénéfices économiques. Mais pour cela, il faut une action politique d'encouragement dans la durée. On constate en effet que les grands fabricants d'éoliennes et de photovoltaïque se situent dans des pays qui ont depuis longtemps encouragés la filière sur leur marché local. Une filière ne se construit pas du jour au lendemain et a besoin de visibilité pour investir. Nous vous présenterons prochainement une étude à ce sujet, à propos d'un article sur l'éolien.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et les ENR ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de compenser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique pourrait être obtenue dans une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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1) Le photovoltaïque : réalité ou mirage ? 

Pour savoir si le photovoltaïque est une électricité
Des acteurs pas toujours enthousiastes

Les acteurs du développement durable et de l’énergie font parfois la moue en évoquant le photovoltaïque et ne manquent pas de lui adresser un certain nombre de reproches. Certes, le photovoltaïque est aujourd’hui la plus chère des énergies renouvelables, mais elle comporte également de fortes perspectives d’évolution.

On lui reproche pêle-mêle une mauvaise rentabilité carbone, un temps de retour énergétique défavorable, un prix excessif, des rejets polluants, l’obligation de lui associer des batteries également polluantes, son intermittence, une fragilité relative aux ressources nécessaires à sa fabrication, une absence de recyclage, son incapacité à relever les défis énergétiques, l’alourdissement de la facture d’électricité des utilisateurs via les subventions … Cela fait beaucoup pour énergie vantée comme une énergie propre et durable !

S'appuyer sur des sources documentées

Il serait souhaitable de faire le point sur la question en s’appuyant sur des sources documentées et reconnues. On pourra d'ailleurs consulter les références à la fin de l’article et télécharger les sources quand c’est possible.


Comparer les scénarios

Le photovoltaïque fait partie d’une filière industrielle et comme tel, il ne peut être complètement neutre en matière d’environnement. Cela ne signifie pas que les reproches évoqués plus haut doivent être pris pour argent comptant, mais il est nécessaire cependant d’examiner l’ensemble des questions relatives à son impact et que l’on ne peut éluder : son coût, les enjeux économiques, la consommation d’énergie dépensée par le processus de production, les émissions de GES émises pendant celui-ci, les émissions de polluants, la disponibilité des matières premières, les impacts sociaux et environnementaux. Ceux qui espéraient qu’un scénario écologique puisse être «parfait» et «pur» seront déçus : ce processus a un coût environnemental, comme beaucoup d’autres. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il soit à rejeter. Ce ne sont pas des conséquences positives ou négatives à elles seules qui peuvent valider ou invalider une démarche, c’est leur comparaison avec d'autres scénarios, en n'oubliant pas de prendre en compte l'évolution dans le temps.

Adopter un point de vue équilibré

Face aux illusions des uns, à l’incrédulité des autres, à la désinformation menée par certains, ou tout simplement à la complexité des éléments à prendre en compte, nous vous proposons de faire le point sur ces questions : quelle est la pertinence économique, environnementale et sociale de la filière photovoltaïque ?

2) le photovoltaïque et la maîtrise de l’énergie

La première des choses ...ngawatt

Rappelons tout d’abord que le recours aux énergies renouvelables n’est que la troisième étape d’une maîtrise réfléchie de l’énergie. Eviter les gaspillages et les usages inutiles est la première des choses à faire. En second il sera possible d’améliorer l’efficacité énergétique pour un besoin donné. Les audits énergétiques menés par des bureaux d’études montrent souvent qu’il est possible avec un retour sur investissement inférieur à 7 ans de pouvoir économiser jusqu’à 30 % de sa consommation pour un même besoin. C’est là que se trouve le plus important gisement d’énergie renouvelable à court et à moyen terme. 

Favoriser les énergies renouvelables (ENR) en oubliant ces deux premières étapes susciterait l’illusion qu’on pourra bénéficier d’une source d’énergie inépuisable et peu couteuse et encourager la hausse des consommations. Ce serait prendre le risque d’annuler les progrès technologiques par une augmentation des usages, un phénomène assez classique et qu’on a souvent observé. Par exemple à mesure que les moteurs gagnent en efficacité, ils équipent des voitures toujours plus puissantes et plus lourdes ; les téléviseurs LCD, qui consomment moins que les anciens tubes cathodiques à taille égale, augmentent en taille et en nombre, et deviennent ainsi de plus en plus énergivores. D’où l’importance de rappeler ce scénario popularisé par Négawatt[1] en France : 1. Sobriété, 2. Efficacité, 3. Energies renouvelables.Efficacité énergétique

Mais cela signifie aussi qu’il sera nécessaire, pour faire face aux défis énergétiques et climatiques qui nous attendent, de développer les énergies renouvelables, en plus de la maîtrise de la consommation : celles-ci ne sont pas une solution suffisante en elles-mêmes, mais elles sont une part indispensable de la solution. Parmi elles le photovoltaïque, du fait de ses perspectives d’évolution, est une filière qui doit être examinée avec soin.

3) Temps de retour énergétique et rentabilité carbone

3.1) Un temps de retour énergétique très favorable

On entend dire parfois que le temps de retour énergétique (TRE), c’est-à-dire la durée nécessaire pour que le dispositif rende l’énergie qui a été dépensée pour sa mise en place, est de l’ordre de douze ans, ce qui ne serait pas très satisfaisant. Il s’agit d’une erreur qui vient d’une confusion entre le temps de retour énergétique et le temps de retour carbone. Les différentes analyses de cycle de vie (ACV) qui existent sont concordantes. Ce retour va de 1,9 an à 3,3 ans en France. Le temps de retour énergétique varie selon deux paramètres : le processus de fabrication et l’implantation des panneaux.

 3.2) Temps de retour carbone : 3 paramètres à prendre en compteemission_carbone

Le temps de retour carbone (TRC) suit la même logique mais à propos cette fois-ci des gaz à effet de serre qui ont été émis lors de la fabrication[2] : en combien de temps un panneau photovoltaïque, qui n’émet pas de GES pendant son utilisation, permet d’économiser les émissions de GES qui ont été nécessaires à sa fabrication ? Principe : quand une installation photovoltaïque fonctionne elle produit de l’électricité sans émettre de GES. Il est donc possible en principe de réduire le fonctionnement des centrales électriques qui émettent des gaz à effet de serre pendant leur utilisation. On peut donc dans ce cas parler à bon droit d’émission de GES évitée[3], car cela se fera de manière directe et mesurable, par remplacement d’une source d’énergie par une autre. Même s’il peut être difficile de calculer cette quantité exacte, car la teneur en carbone de l’électricité produite n’est pas la même selon le moment. En tous les cas on voit d’après ce raisonnement que le temps de retour carbone d’un panneau photovoltaïque dépend de la teneur en carbone de l’électricité disponible localement sur le réseau électrique.

Là où le temps de retour énergétique dépend de deux facteurs : la fabrication et l’implantation des panneaux, le temps de retour carbone dépend en plus d’un troisième : la teneur en carbone de l’électricité locale. Or cette intensité varie beaucoup d’un pays à l’autre …

C’est pourquoi annoncer un chiffre brut du temps de retour carbone n’a pas de sens. On entend parfois des discours assez catastrophistes à propos d’un retour carbone de 15 à 20 ans. Vrai, faux ? En France, il est vrai que la rentabilité carbone n’est en général pas fameuse, mais ce chiffre est en fait très variable et il est important de comprendre pourquoi, afin d’en saisir la signification et les leviers d’actions.

3.3) Calcul du temps de retour carbone

Nous n’avons pas trouvé de calcul de temps de retour carbone dans les études consultées. Les estimations en ordre de grandeur peuvent être faites selon trois méthodes différentes.

La première méthode prend en compte l’énergie grise moyenne de la fabrication du photovoltaïque que l'on trouve dans le rapport de l’Hespul publié en 2009 et la deuxième utilise les facteurs d’émissions communiquées par diverses sources (voir le détail des calculs ici, le détail des sources ici).

Mais ces méthodes considèrent que l'électricité photovoltaïque se susbstitue à l'électricité moyenne produite, ce qui ne correspond pas à la réalité. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des sources d'électricité nécessaires au bon fonctionnement du réseau, et notamment du fait que les énergies intermittantes ne remplacent pas la production nucléaire mais la production de semi-base ou de pointe qui fonctionne souvent à l'énergie fossile. C'est pourquoi les estimations faites selon ces méthodes donnent un temps de retour carbone assez mauvais pour la France, bien que ce temps varie en réalité selon le lieu et la méthode de fabrication des panneaux.

On trouve avec ces deux méthodes un temps de retour carbone pour la France qui va de 19 à 35 ans selon les sources lorsqu’on se base sur les facteurs d’émissions d’un panneau moyen, ce qui est mauvais, ou de 15 ans si on se base sur l’énergie grise. Par contre, ce temps est de 5 à 8 ans pour les panneaux implantés dans le reste de l’Europe, de 2 ans pour ceux implantés dans le sud de l’Europe, et de 1 an dans ces mêmes régions si le panneau est fabriqué en Norvège. On trouverait probablement un chiffre semblable s’il était fabriqué en France

Le tableau suivant donne les différentes estimations selon les deux premières méthodes et selon les lieux de fabrication et d’implantation : on peut ainsi se rendre compte de variabilité du temps de retour ainsi que des leviers d’action.


 

Lieu de fabrication / lieu d’implantation

Méthode de calcul

Données sources utilisées

Temps de retour carbone (années)

Monde / France

Energie grise

Hespul, Ademe

15

Monde / France

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Hespul / Jancovici

19 / 25 / 35

Europe / France

Energie grise

Hespul, Ademe

9

France / France

Energie grise

Hespul, Ademe

2,5

Europe / Europe

Energie grise

Hespul, Ademe

3

Monde / Europe

Facteurs d’émission

g.f.e Ademe / Jancovici

5 / 8

Monde / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul 

2

Procédé Elkem-Norvège / Sud Europe

Facteurs d’émission

Hespul

1

 

On voit que ce chiffre est très variable. En France, il peut varier selon le lieu de fabrication et devenir intéressant même dans les méthodes 1 et 2. Si le panneau est entièrement fabriqué en Europe, le temps de retour carbone serait de 9 ans et de seulement 2,5 ans si le panneau est fabriqué en France. Car l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la fabrication est importante et varie énormément selon les pays. Ainsi, il est tout à fait possible, en établissant des exigences sur le bilan en carbone des panneaux, d’obtenir une rentabilité carbone favorable pour la production photovoltaïque en France, même en basant le calcul sur une substitution à l'intensité carbone de l'électricité moyenne consommée.

Venons-en à la troisième méthode. Pour être plus en accord avec la réalité, il faudrait considérer le caractère très fluctuant des sources d'énergie nécessaires à la production d'électricité. Car la demande est très fluctuante selon le moment de la journée, et pour s'y adapter, le réseau devra utiliser des sources de base rigides mais économes, auxquels s'ajouteront des sources de semi-base plus souples mais moins économes pendant la journée ainsi que des sources très chères et très émettrices en pointe. Or une note de l'Ademe et du MEDAD du 15 février 2008, se fondant sur les données de RTE, le réseau de transport français chargé d'équilibrer l'offre et la demande, considère que l'électricité éolienne se subsitue à des sources de semi-base ou de pointe, et donc fossiles, qui émettent 300 gCO2/kWh. Comme l'estime le rapport de Coe-Rexecode de 2009, on pourrait en dire au moins autant du photovoltaïque, qui a le bon goût de ne produire que le jour, au moment où des centrales fossiles de semi-base se mettent en marche.

Or le chiffre pris en compte dans les méthodes 1 et 2 pour l'intensité carbone de l'électricité en France était de 85 g CO2/kWh. Il faut donc diviser les temps de retour par 3,5, ce qui donne un temps de retour de 2,5 à 4,5 ans si le panneau est fabriqué en Europe ou ailleurs, et de 9 mois si le panneau est fabriqué en France. C'est netttement mieux !

Croire que l'électricité des énergies intermittentes se substitue à l'électricité nucléaire à faible intensité carbone est une erreur qui provient de la méconnaissance du marché de l'électricité. Nous exposerons brièvement plus loin les caractéristiques de l'intermittence ... de la demande en électricité, et nous publierons prochainement un article plus complet à ce sujet.

3.4) La situation particulière de la France

Si l'on utilise les méthodes 1 et 2 en substituant l'électricité photovoltaïque à l'intensité moyene de l'électricité en France le temps de retour pourra être mauvais. Mais cela est uniquement dû à la domination du nucléaire dans notre pays. Partout ailleurs, le TRC est très intéressant, de 3 à 8 ans sur une durée de vie totale de 30 ans, ce qui signifie qu’au bout de cinq ans, un panneau solaire en Europe permettra de réduire les émissions de carbone pendant 25 ans.

Critiquer le photovoltaïque sur sa rentabilité carbone revient à valoriser le nucléaire et à le proposer en creux comme une solution valable et durable. Pourquoi pas bien évidemment. Encore faut-il avoir conscience de la signification de ce choix : cela devra être médité par ceux qui utilisent cet argument au nom d’une exigence écologique, alors que cette même exigence peut conduire à disqualifier le nucléaire.

Il importe d’ailleurs de ne pas confondre la production électrique nucléaire avec la production globale française, et surtout avec la teneur en carbone de la consommation française d’électricité : ce n’est pas la même chose car si le nucléaire est très peu émissif en carbone, sa production ne peut pas accompagner la variabilité journalière de la demande. Ainsi la France vend du nucléaire en période creuse et achète de l’électricité d’origine fossile en période de pointe. De ce fait, on ne peut guère dépasser 70 % d’électricité d’origine nucléaire en consommation.

On retiendra de cette analyse que le temps de retour carbone du photovoltaïque en France dépend beaucoup du lieu et du process de fabrication, et surtout, qu'il faut prendre en compte la variabilité des sources de production selon le moment de la journée et la manière dont s'intègre la production intermittente dans ce marché. Non seulement ce temps de retour est très intéressant si l'on en croit la note de l'Ademe et du MEDAD, mais de plus il est tout à fait possible de l'améliorer en jouant sur certains paramètres.

4) Le coût de l’intermittence

Un autre aspect doit être pris en compte : le coût de l’intermittence. Le solaire comme l’éolien ne produisent pas à la demande, et le photovoltaïque ne produit rien la nuit. On entend parfois dire que cela oblige à construire des centrales à charbon pour compenser cette intermittence. La réalité est toute autre et beaucoup plus subtile.

4.1) L’intermittence … de la demandevariation_quotidienne_electrique

L’intermittence du marché de l’électricité, c’est surtout l’intermittence de la demande : il y a une oscillation journalière de 20 % à 25 %, avec un creux vers 4 h du matin, une pointe entre 7 h et 11 h et vers 20 h. Auquel il faut ajouter une variation saisonnière de l’ordre de 65 %, avec un maximum en décembre-janvier et un creux de mai à septembre. Le problème, c’est que certains moyens de production ne peuvent pas du suivre les fluctuations quotidiennes. C’est le cas du nucléaire, dont la production est constante sur cette durée alors que l’électricité ne se stocke pas et que la demande varie. C’est pourquoi la production nucléaire ne peut pas dépasser les 70 %-75 % de la consommation. La France doit donc exporter ou pomper de l’eau dans les réserves hydrauliques pour la réutiliser plus tard. Cependant les capacités des barrages ont déjà atteint leur maximum d’acceptabilité. L’hydraulique prend le relais en semi-base à hauteur de 10 % en France. Reste 10 % à 15 %, qui doivent être fournis pas des moyens souples d’origine fossile, et qui doivent être en partie importés puisque la France n’a pas la capacité d’y faire face. En hiver le réseau peut avoir recours exceptionnellement à des centrales de pointe au fioul à cause de l’utilisation massive du chauffage électrique en France.variation_saisonniere_electrique

4.2) L’intégration des énergies intermittentes dans le marché français

En France, la production nucléaire se montait à 76 % en 2009 mais sa part dans la consommation est plus faible comme on l’a vu. Le reste est assumé par des sources de production souples. Ainsi même en imaginant que nous atteignions un taux de 20 % de production intermittente (l’éolien et le photovoltaïque représentaient 1,74 % en 2009), cela ne conduirait pas du tout à construire des centrales à énergie fossile pour compenser les périodes de faible production, tout simplement parce que ces centrales existent déjà, du fait de l’incapacité du nucléaire à faire face à l’intermittence de la demande. Lorsque les ENR intermittentes fonctionnent, elles permettent en réalité de ralentir le fonctionnement des centrales à énergies fossiles ou même d'en arrêter certaines grâce aux prévisions météorologiques, et donc d’économiser une quantité importante de GES et de combustible fossile, comme en attestent les études à ce sujet.

Dans les pays où le nucléaire n’existe pas, les ENR intermittentes permettent également de diminuer le fonctionnement des sources d’électricité fossile déjà en place.

Par contre, ces capacités doivent en grande partie s’ajouter aux capacités déjà existantes et ne peuvent les remplacer qu’à hauteur de 20 % environ. Des études montrent en effet qu’elles possèdent un facteur de substitution aux sources existantes parce qu’il y a toujours du vent quelque part en France et parce que le photovoltaïque, qui fonctionne le jour, produit pendant les périodes de semi-base et de pointe. L’hydraulique peut assurer une partie de la production de réserve mais cette capacité est faible et il est nécessaire de conserver la plus grande part des centrales fossiles existantes et de les entretenir, ce qui a un coût. Toutefois il aurait fallu de toutes façons les conserver pour pallier aux fluctuations de la demande et pour équilibrer seconde par seconde l'offre et la demande. C'est seulement à partir d'un seuil d'intégration assez élevé des énergies intermittentes qu'il faudrait construire ou maintenir des capacités d'équilibrage à énergie fossile qui n'auraient pas eu lieu d'être sans elles. Nous en sommes encore très loin.

4.3) Stockage et photovoltaïque

On entend parfois dire que l’installation du photovoltaïque obligerait à installer des batteries d’accumulateurs couteuses, polluantes et catastrophiques humainement et écologiquement, car cela obligerait « à se procurer du lithium » qui est souvent extrait dans de mauvaises conditions. En réalité si l’on devait stocker l’énergie du photovoltaïque on ne le ferait pas avec des batteries au lithium car on utiliserait un stockage statique pour lequel le poids est peu important. Mais surtout jusqu’à un niveau de production très important il n’est en aucun cas nécessaire, comme on l’a vu, de stocker l’électricité photovoltaïque, sauf bien sûr sur les sites non raccordables, car l’adéquation offre / demande sera assurée par des réseaux de distribution qui sont déjà confrontés à cette problématique. Ce sont les capacités de semi-base et de pointe qui, par leur rôle d'équilibrage, vont jouer le rôle de « stockage », c’est-à-dire de production mobilisable permettant d'assurer l'équilibre.

4.4) Une difficulté gérable àmoyen comme à long terme

Par ailleurs nous sommes très loin des niveaux maximums d’acceptabilité des énergies intermittentes, et elles sont tout à fait intégrables même en cas de fort développement, comme l’attestent les études techniques, notamment celles menées par RTE. Elles le seront également à long terme compte tenu des progrès technologiques attendus sur le stockage et la gestion intelligente du réseau. Des expériences de stockage de masse sont déjà menées dans divers sites, notamment à la Réunion. Hier ce n’était pas une priorité de recherche car on pouvait disposer avec le pétrole d’une énergie souple, facile d’usage, abondante et bon marché, qui pouvait servir en somme de réserve commode d'électricité. Aujourd'hui, partout dans le monde des moyens de recherche très importants sont consacrées à ce sujet et à long terme, au moment où les capacité des énergies intermittentes deviendront très importantes, on peut considérer qu'on pourra, via le stockage et le développement d'un réseau intelligent, intégrer ces énergies dans une très forte proportion. Ainsi un développement massif des ENR intermittentes est tout à fait envisageable à compter d’aujourd’hui.

5) Le cycle de vie d’un panneau photovoltaïque

5.1) De la plage au recyclagefour_silicium

Le processus de fabrication est relativement gourmand en énergie parce que le silicium contenu dans le sable doit être raffiné puis purifié selon un processus très énergivore.

Le cycle de vie des panneaux à base de silicium cristallin (90 % du marché) comprend 7 phases, dont  4 pour la fabrication. Le raffinage (phase 1) se fait en deux étapes : l’extraction du silicium à partir du sable puis sa purification pour obtenir un silicium adapté à l’usage du photovoltaïque. Ce processus effectué dans des fours à arc est très consommateur d’électricité (40 % du total). Puis le silicium est cristallisé et mis en forme de plaques (phase 2). Les cellules sont ensuite fabriquées (phase 3), puis assemblées pour former des panneaux dotés souvent d’un cadre aluminium, matériau très énergivore (phase 4). Ensuite les panneaux sont installés avec leur appareillage électrique (phase 5). Commence alors la phase productive qui n’est pas du tout émettrice (phase 6) et qui est prévue pour 30 ans. Les panneaux vendus sont d’ailleurs souvent assortis d’une garantie de rendement de 25 ans. Ensuite, les panneaux doivent être recyclés (phase 7).

5.2) La disponibilité des ressources

On a pu lire parfois qu’il pouvait y avoir une pénurie de silicium. Il s’agit d’une confusion : le minerai de silicium est extrêmement abondant, ce sont les capacités de raffinage qui peuvent être limitées à un moment donné. Elles peuvent évoluer en fonction des capacités industrielles, mais l’adaptation de l’offre peut prendre un certain temps. Toutefois, le photovoltaïque n’utilisait en 2009 que 1 % de la production mondiale : ce n’est pas cela qui a pu entrainer les fluctuations de cours qu’on a connu il y a quelques années.

On utilisait jusqu’à récemment du silicium de qualité électronique exigeant un silicium extrêmement pur et de ce fait énergivore. Mais une filière se met en place pour fournir un silicium solaire moins pur et donc moins gourmand en énergie que le silicium de qualité électronique.

L’enjeu en termes de ressources porte non pas sur la technologie actuelle au silicium, mais sur la filière prometteuse de la technologie couche mince. Celle-ci utilise de l’Indium, un matériau pour lequel la Chine détient actuellement un quasi-monopole. Les orientations stratégiques en matière de recherche, de filière industrielle et de recyclage doivent tenir compte de ces problématiques, ainsi que des conditions d’extraction, afin d’anticiper la disponibilité de ces matériaux et leur compatibilité avec le développement durable. D’autres technologies sont en développement, comme les cellules polymères, mais celles-ci ne remplaceront pas à court terme les cellules au silicium.

5.3) Le processus de fabrication

Le raffinage et la purification, en plus de consommer de l’énergie, dégage des déchets chlorés néfastes à l’environnement. Pendant la phase de cristallisation, des émissions de solvants organiques, de composants fluorés, des effluents acides et basiques peuvent être générés, ainsi que du tellurure de cadmium, un métal lourd. Il faut ajouter les émissions occasionnées par la fabrication de l’aluminium et par la fabrication du Tedlar. Les usines peuvent également émettre du tétrafluorométhane (CF4), un gaz à effet de serre, qui est récupéré et craqué à haute température dans 70 % des cas, ce qui signifie que dans 30 % des cas il ne l’est pas.

Maîtriser la filièreconstruction_arretee

Cette filière doit donc être bien contrôlée afin de ne pas rejeter des effluents polluants dans la nature et pour garantir la sécurité du personnel. La responsabilité en incombe bien sûr à l’usine mais également aux donneurs d’ordre en aval de la chaine. C’est là un principe majeur du management durable : on ne peut exiger un prix défiant toute concurrence et en même temps fermer les yeux sur les conditions de fabrication. Il convient d’être attentif sur cette question et les agents de la filière peuvent – et doivent, s’ils veulent se prévaloir d’une démarche durable - vérifier la qualité de la filière de production, dans le domaine environnemental et social. Ainsi l'implantation d'une usine à Cestas en France a été contestée par une association écologiste parce qu'elle estimait que l'étude d'impact concernant l'écoulement des eaux pluviales et le tellurure de cadium n'avait pas été faites correctement [4].

Cela signifie que les process de fabrication doivent être maîtrisés et sont perfectibles.

Ces inconvénients peuvent paraître nombreux et rédhibitoires pour le profane. On l’a dit : la solution parfaite n’est pas de ce monde, et toute production a ses inconvénients. Mais il est possible de comparer plusieurs scénarios et de contrôler et améliorer une filière. Aucune énergie n’est gratuite : encore une fois, cela vient conforter la pertinence du scénario Négawatt.

 

5.4 )Le recyclagepv-cycle1

Contrairement à ce qu’on entend souvent le recyclage du PV est prévu et la filière a mis en place l’association PV Cycle pour l’organiser. Les panneaux solaires et leurs équipements contiennent du plomb, du brome, du cuivre, des plastiques non valorisables, del’EVA qui est difficile à traiter, du Tedlar qui génère des émissions fluorées lors de sonrecyclage, et de l’indium pour la filière CIGS, un matériau rare. Ils doivent donc être traités de manière spécifique. Une usine de recyclage existe déjà en Allemagne. La filière a tout à fait la possibilité de programmer avec une certaine avance l’arrivée massive des PV qui sont produits aujourd’hui, puisque les panneaux se recyclent … 30 ans après leur mise sur le marché. De quoi voir venir.

6) Une rentabilité artificielle et couteuse ?

La rentabilité d’une installation photovoltaïque n’est possible qu’au moyen d’un tarif de rachat réglementé très supérieur au prix du marché. Il s’agit donc d’une subvention, qui est facturée de manière assez visible aux clients français via la CSPE puisqu’ils peuvent la voir sur leur facture d’électricité. Cela suscite parfois des interrogations. En fait, le photovoltaïque ne représente qu’une petite partie de la CSPE.Tableau_des_tarifs_de_l_electricite_photovoltaique_au_5_Mars_2011

Il faut également savoir qu’il existe ou qu’il a existé de nombreuses subventions cachées au profit des énergies fossiles et nucléaires.

On compare souvent le prix du photovoltaïque avec celui du nucléaire français. Sans lancer un débat sur ce thème, on peut constater que la France détient le record absolu de modération à en croire le prix officiel du kWh nucléaire.Si c’était le cas, cela signifierait que la France possèderait une technologie très performante qui s’exporterait facilement. Or il n’en est rien. Car la plupart des observateurs s’accordent à dire que ce prix est largement sous-estimé : il ne prendrait pas en compte le coût du démantèlement des centrales, des déchets, de la recherche, de la sécurité assurée par la force publique pour les sites et les transports, du prix du retraitement, et du prix qui serait payé par l’Etat, donc par les contribuables, en cas de catastrophe majeure puisque les assurances ne garantissent pas le risque au-delà d’un certain seuil. Ainsi, l’énergie nucléaire bénéficie de subventions cachées. Les énergies fossiles ont bénéficié en France également des subventions publiques. Or ces aides ne sont jamais apparues sur la facture et sont prises sur le budget global de l’Etat.

Bien sûr, la réévaluation du prix de l’énergie nucléaire d’après les standards internationaux ne rendra pas pour autant le photovoltaïque rentable. Cependant elle possède un potentiel considérable. On dit souvent que l’énergie reçue par la terre en un jour permet de fournir la consommation mondiale pendant une année. Certes, il n’est pas possible de l’exploiter entièrement loin de là, mais cela donne un ordre de grandeur plutôt favorable. Une surface de 5 000 km² de panneaux orientés au sud permettrait de couvrir la production électrique française, avec les rendements actuels. Cela n’est pas si élevé si on compare ce chiffre aux 10 000 km² de surface construite en France hors routes et parkings (réf). Là encore cette surface n’est pas bien sûr toute recouvrable en panneaux orientés au sud, mais cela permet de donner un ordre d’idée. Ainsi le potentiel de cette énergie à terme est considérable. Mais faut-il commencer maintenant ?

On obtient des coûts de plus en plus intéressants pour les centrales photovoltaïques au sol, et on assiste à une baisse continue pour les coûts avec des panneaux posés sur les toits. Les experts estiment que d’ici une quinzaine d’années on atteindra le fameux « cross-over » : le moment ou la production photovoltaïque deviendra rentable. Le premier cross-over concernera l’auto-consommation : lorsque le prix du photovoltaïque atteindra le prix facturé par le distributeur.Les particuliers ou les entreprises auront alors intérêt à produire eux-mêmes leur électricité, même sans subventions. Le deuxième cross-over concernera la production industrielle : lorsque le prix de la production photovoltaïque correspondra au niveau constaté sur le marché, on pourra produire et vendre de l’électricité photovoltaïque sans surcoûts.

7) Conclusion

Ne nous emballons pas : les ENR hors hydraulique occuperont pour longtemps une place mineure dans le mix énergétique total de l’électricité et surtout de l’énergie globale. L’énergie gratuite et abondante n’est ni pour demain ni pour après-demain, et elles ne peuvent représenter qu’une petite part de la solution pour faire face au défi climatique et au défi énergétique à venir. Mais c’est une part à ne pas négliger pour autant.

Quinze ou vingt ans pour accéder à la rentabilité, ce n’est pas très long à l’échelle d’une politique économique. C’est aussi le temps nécessaire pour développer une filière. Les pouvoirs publics peuvent donc avoir tout intérêt à l’aider, ne serait-ce que d’un strict point de vue économique. Une telle filière générerait de nombreux emplois : des emplois immédiats pour la pose, et ensuite des emplois plus nombreux pour la fabrication de panneaux et accessoires, puis pour le raffinage du silicium et la fabrication des cellules, à mesure que cette filière se mettra en place. Dans les pays où les énergies renouvelables sont encouragées depuis longtemps, il existe une industrie dynamique et créatrice d’emploi. De plus cette filière pourrait fabriquer des panneaux solaires « propres » par la maîtrise des process de fabrication et des émissions carbone, et serait promise à un très grand avenir. Elle pourrait représenter, avec les autres ENR, un marché colossal à long terme.

7.1)Opérateur particulier et professionnel : que choisir ?

Quand un particulier ou un professionnel se pose la question : « photovoltaïque ou pas ? », il doit d’abord se demander si la mise en place de panneaux photovoltaïques s’inscrit dans la démarche d’ensemble que nous avons évoqué : sobriété, efficacité, puis énergie renouvelable. Parmi les possibilités offertes par ces énergies, le photovoltaïque peut avoir sa place selon le contexte. Quelles sont les différentes sources possibles ? Quelles autres utilisations pourrait-on prévoir pour les surfaces concernées ? Quel est mon budget ? Quels sont les impacts des différents scénarios ? Cela demande une analyse globale. En fait la question n’est pas simplement : « est-il pertinent d’installer du photovoltaïque ? » mais : « quelle serait une démarche énergétique pertinente ? Le choix du photovoltaïque s’inscrit-il, dans mon cas, dans cette démarche ? »

7.2 )Politique publique : encourager la filière vers une production plus vertueuse

Centrale photovoltaïque en Allemagne. Des études existent concernant l'impact sur la biovidersité de ce type d'implantation.

On l’a vu, encourager fortement cette filière serait souhaitable du fait de ses perspectives économiques, énergétiques et environnementales. Or pour se développer, une filière a besoin de temps et de visibilité. Ce n’est pas vraiment ce chemin que les pouvoirs publics ont pris. Proposer un prix de rachat très généreux suivi par de brusques volte-face a eu pour effet de déboussoler une filière qui a besoin de visibilité à long terme. Elle a besoin de temps pour se mettre en place et développer tout son potentiel d’emploi. Le développement d'une filière français créérait des emplois, permettrait de rembourser le surcoût du rachat et de se doter d'une filière très prometteuse à l'international.

Par ailleurs la rentabilité carbone serait bien plus favorable s’il existait justement une filière française, dont l’établissement nécessite un soutien sur la durée. La rentabilité économique de la production électrique photovoltaïque pourrait advenir à un horizon d'une vingtaine d'années.

Et surtout les leviers d’action existent pour améliorer l’impact de cette filière. Les tarifs de rachats peuvent tout à fait instaurer de manière progressive, réaliste et prévisible des conditions de qualité relatives au process de fabrication : rejets d’effluents, bilan carbone et sécurité au travail en particulier. Cela favorisera la filière française ? Oui, sans doute, mais pas seulement. La Norvège s’est déjà engagée sur la voie d’une fabrication à l’aide d’électricité renouvelable. Et nous pouvons être sûrs que si l’on établissait ces exigences la Chine serait l’une des premières à s’engager dans la fabrication de cellules photovoltaïques à partir d’électricité éolienne. Comme quoi encourager une filière et l’orienter progressivement vers une production « propre » ne serait pas du protectionnisme. Juste du bon sens …

 

 

Voir aussi :
Documents, références :
- Calcul des facteurs d'émissions : Guide des facteurs d'émission Ademe énergie V6.1,p33 ; outil bilan carbone de l'Ademe pour les émissions d'éléctricité selon les pays, diaporama bian carbone de l'Ademe citant Jancovici, ACV cités.
- Rentabilité comparée avec le nucléaire ; les chiffres données sont à prendre avec précautions : The historic cross-over
- Evaluation socio-économique du programme de production d'électricité éolienne et photovoltaïque, Coe-Rexecode, octobre 2009
- Note d’information : L’éolien contribue à la diminution des émissions de CO2, MEDAD, ADEME, 15 février 2008
Quelques sites :


[1] Site Négawatt : http://www.negawatt.org/

[2] Les calculs qu’on trouve dans les ACV consultés négligent souvent les autres phases du cycle de vie, qui devraient en principe être comptabilisés. Cependant elles sont beaucoup moins émissives que la fabrication.

[3] Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

[4] Cf Sud-Ouest, 9 mars 2011. Télécharger ici


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