La France dépend à 72% des énergies fossiles.
Les énergies renouvelables représentent 10% et
le nucléaire 16% de l'énergie finale que nous consommons.

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On a longtemps cru que le nucléaire représente 70% de l'énergie consommée en France. En réalité ce chiffre correspond à la part du nucléaire dans la seule énergie électrique ; il s'agit donc d'une confusion entre énergie et électricité. Or cette dernière ne représente que 22% de l'énergie consommée. Autre idée fausse : on a l'habitude en France de publier les chiffres exprimés en énergie primaire. Nous montrerons plus loin que cela n'a pas de sens économique et que cela déforme notre vision de la contribution de chaque source à nos besoins. Mais cela déforme également dangereusement notre perception de la sensibilité de notre économie au prix des énergies fossiles.

Utiliser l'énergie primaire permet de multiplier artificiellement - et très officiellement - par trois la quantité d'énergie utilisable produite par le nucléaire. Cela permet en effet de multiplier par trois l'électricité nucléaire réellement produite sous pretexte que pour une part d'électricité, deux parts d'énergie sont dilapidées dans l'atmosphère sous forme de vapeur d'eau. Par contre pour l'éolien ou le photovoltaïque on ne prend pas en compte l'énergie primaire réelle (le vent ou les radiations solaires), mais seulement  l'électricité produite ! Deux poids, deux mesures. Et aucune relation avec la véritable définition de l'énergie primaire (notion physique de l'énergie primaire = énergie disponible à l'état naturel). Ainsi, 1 MWh d'électricité nucléaire est comptabilisé comme 3 MWh d'énergie primaire électrique nucléaire. Ce mode de calcul amène à des résultats étranges : ainsi, moins une source d'énergie est efficace (dans l'hypothèse où l'on comptabiliserait l'énergie thermique réellement produite) plus sa part dans la production en énergie primaire augmente. Illogique. C'est pourquoi l'indicateur qui a un sens économique pertinent prend en compte l'énergie finale. Nous indiquons donc ici la part des différentes sources énergétiques dans l'énergie que nous consommons, c'est-à-dire dans l'énergie finale (énergie livrée au consommateur final = énergie finale).

Nous utilisons ici les données officielles provenant du Commissariat Général au Développement Durable ainsi que ceux émanant du Réseau de Transport de l'Electricité (voir réf), mais en les exprimant en énergie finale. Nous retrouverons alors l'estimation de 16 % à 17% provenant d'un calcul rapide : nucléaire = 75% de l'électricité, celle-ci représente 22% de l'énergie finale, donc nucléaire = 22 x 75% = 16,5%. Nos cacluls  par addition permettent de valider cette estimation et en outre, de distinguer la part de chaque type d'énergie dans nos besoins énergétiques.

Par ailleurs l'indicateur d'indépendance énergétique utilisé en France n'a pas d'autres équivalents à l'étranger. Une analyse montrera qu'il n'a aucune pertinence. D'un coté le pétrole est comptabilisé comme importé, tandis qu'au contraire on considère que le matériau nucléaire est produit intégralement en France, ce qui est tout à fait faux. Il est certes transformé en France, comme d'ailleurs une part importante du pétrole, mais l'intégralité du minerai est importé. Si on utilise de plus la baguette magique de la pseudo énergie primaire électrique qui permet de multiplier par trois la quantité d'électricité nucléaire, on aboutit à ce chiffre de 50% d'indépendance énergétique qui n'a absolument aucun sens. Sans vouloir faire de procès d'intention, il n'est guère difficile d'imaginer qu'il a été utilisé pour justifier l'investissement quasi-exclusif dans le nucléaire depuis des décennies - au prix d'une régression considérable des filières françaises d'énergie renouvelable.

Il est vrai que les prix du combustible nucléaire est beaucoup moins sensible au contexte géopolitque et aux fluctuations de prix que les combustibles fossiles. L'énergie nucléaire posède donc ici un avantage, non pas en terme d'indépendance brute, mais en terme d'indépendance relative. Les indices devraient refléter plus finement les diverses dépendances ou sensibilités aux facteurs externes. Un indice unique n'a pas grand sens, surtout s'il est établi de manière grossièrement trompeuse.

Quoiqu'on en pense, pour, contre ou hésitant, un débat d'envergure sera nécessaire pendant l'année qui vient sur les choix énergétiques de la France. Une chose est certaine : il faudra aborder ce débat sur des élements fiables et sur des indicateurs pertinents.


(Prochainement une mise à jour prenant en compte le bilan pour l'année 2010. Les chiffres restent relativement stables :  Fossile 69,4%, ENR 11,8%, Nucléaire 17,1%)

 

Le vrai poids des filières énergétiques dans notre consommation

Imaginons que nous consommions pour moitié de l'électricité éolienne et pour moitié de l'électricité d’origine nucléaire. Si nous exprimions ce chiffre en énergie primaire, l’éolien ne représenterait qu’un quart de notre consommation, et le nucléaire les trois quarts, ce qui est en décalage avec la réalité. Par contre si on l'exprime en énergie finale nous aurons bien la proportion attendue : 50% pour chaque. Voici pourquoi nous adoptons cette unité. Le recours à l’énergie primaire peut être utile dans certains cas, mais à condition de comparer des énergies semblables, ou bien pour connaître un taux de substitution aux énergies fossiles. Dans tous les cas, il convient de savoir ce qu'il y a derrière les chiffres.  Dans notre graphique nous exprimons la part de chaque énergie par rapport au total consommé et non par rapport à la seule électricité, car cela exprime mieux selon nous la part de chaque énergie relativement à notre consommation - c'est-à-dire par rapport à nos besoins actuels. Explications et commentaires.

Le poids en énergie finale de chaque source d'énergie permet de mieux comprendre la part de chaque source d'énergie dans notre consommation. Première surprise, on se rend compte que la part du nucléaire est beaucoup plus faible qu'on le croit généralement : elle ne représente que 16% de l'énergie que nous consommons. En fait l'électricité ne représente que 22% de notre énergie finale. La part des ENR est quant à elle loin d'être négligeable : elle représente 10,3% (hors agrocarburants) du total, ce qui est du même ordre de grandeur que le nucléaire. Si le nucléaire plafonne pour des raisons techniques à 17% et si les ENR représentent 10,3% (hors agrocarburants) et sont en fort développement, cela signifie qu'à terme le nucléaire n'est pas indispensable à notre fourniture en énergie. Ce tableau nous indique également que nous sommes fortement tributaires, à 72%, des énergies fossiles, et à 67% du pétrole et du gaz dont les prix sont très variables et très sensibles aux données géopolitiques.

Les énergies renouvelables

Ce sont les sources thermiques qui représentent la part la plus importante des ENR (6,3% du total) : le bois énergie en est la source principale et sa part peut encore augmenter à condition de rester vigilant sur le caractère renouvelable et durable de l'approvisionnement. L'hydraulique représente 3,3% et ne peut guère évoluer. L'éolien est en fort développement, il a été multiplié par six en quatre ans et le photovoltaïque par huit, mais ces deux sources sont encore marginales : 0,4% et 0,01%. Toutefois, ce sont des énergies qui ne sont apparues de manière substantielle que depuis 2 ou 3 ans. Le géothermique profond plafonne alors qu'il représente une source importante d'énergie, mais il demande des investissements lourds. Toutefois, la technique est bien mieux maintenant maîtrisée que dans les années 70. Un gisement d’énergie très renouvelable n’apparaît pas ici : le potentiel d’efficacité énergétique et d’usage raisonné qui permettrait de faire baisser notre consommation pour un confort égal. C'est à moyen terme le gisement d'énergie renouvelable le plus important. Nous n'avons pas compté les agrocarburants dans les sources d'énergies renouvelables car nous considérons que la production des agrocarburants de 1ère génération ne satisfait pas aux exigences du développement durable. A ce propos la commission européenne avait déclaré ne vouloir prendre étudier les impacts de cette production et ne pas comptabiliser les agrocarburants « non durables » dans les objectifs affichés.

La dépendance énergétique

Une définition officielle qui multiplie par trois la production nucléaire réelle

Ce tableau met à mal l'idée de l'indépendance énergétique de la France, qui serait selon la comptabilité officielle de 50%, en grande partie grâce au nucléaire (Bilan 2009 de l’énergie p 13). Il faut savoir que cet indice est basé sur la production primaire, qui pour le nucléaire, est par convention fixée à trois fois la production réelle d'électricité. C'est exactement comme si on décrétait que l'on compterait le nucléaire pour trois fois sa production réelle ... Résultat : ce chiffre n'a pas de sens et comptabilise une énergie qui s’échappe directement dans l’atmosphère. De plus, le nucléaire dépend à 100% des importations d'uranium. Certes le nucléaire est peu sensible au prix de l'uranium, celui-ci est moins variable que le pétrole, et il n’est pas sensible aux aléas géopolitiques de l’or noir. Mais il est sensible à d’autres aléas géopolitiques. Mais il y a bien une dépendance à moyen terme concernant les importations d’uranium. En fait, les seules sources d’énergie dont sommes vraiment producteurs sont les énergies renouvelables. Donc l'indépendance énergétique de la France repose en fait ... sur les ENR. Or la France possède un gisement très important qu'elle pourrait massivement développer.

Une notion qui devrait être traitée avec plus de subtilité

Il est vrai que la part de nucléaire diminue notre sensibilité aux aléas des hydrocarbures. Si l'énergie nucléaire était remplacée par des hydrocarbures, elle porterait notre dépendance à ceux-ci à 87% au lieu de 69%. On sait que ceux-ci posent des problèmes de variabilité de prix, de sensibilité géopolitique et poseront des problèmes de disponibilité pour le pétrole et probablement pour le gaz. La dépendance à l'uranium pose d'autres problèmes géopolitiques mais on pourrait dire qu’elle permet de diversifier cette contrainte.

La notion de dépendance énergétique n'a en fait pas grand sens car nous ne vivons pas dans un monde aux frontières fermées, mais dans un monde interdépendant avec des partenaires qui sont fiables et d'autres qui le sont moins. Il est possible en outre de diversifier les aléas. Elle est de tout façon très faible en France, et ne repose que sur les énergies renouvelables. Mais on pourrait lui substituer des indicateurs beaucoup plus significatifs : la dépendance aux fluctuations des cours du pétrole bien sûr, aux différents types d’hydrocarbures, aux aléas géopolitiques concernant telle et telle région, à d’autres types de combustibles comme l'uranium ou à des matériaux stratégiques pour l’énergie ; ou aux émissions de CO2.

Si la France n'avait pas choisi la voie du nucléaire, on pourrait penser que sa dépendance aux hydrocarbures serait de 87% au lieu de 69%. A ceci près que le surcoût de l'énergie nous aurait porté à investir davantage dans l'efficacité énergétique et dans les ENR comme a pu le faire l'Allemagne. La France aurait pu être alors un acteur important dans ce secteur, au lieu d'accumuler du retard dans un domaine appelé à se développer.

Le bon usage de l'énergie : savoir distinguer Énergie primaire, Energie finale, Energie efficace et service rendu

L'énergie correspond à un besoin fondamental de notre société. Elle est d'une importance vitale pour notre vie et pour notre économie. Mais quel est le chemin qui va de l'énergie puisée dans la nature à la satisfactoin de nos besoins humains, en passant par la production industrielle dans un contexte économique ?

De l’énergie primaire à la satisfaction de nos besoins

L'énergie primaire correspond en principe, dans sa définition physique, à l'énergie telle qu'elle est présente dans la nature : le soleil, le vent, l'énergie chimique d'un hydrocarbure ou du bois lors de sa combustion. L'énergie finale correspond à l'énergie fournie par notre distributeur : l'électricité qui arrive au compteur, le litre d'essence que l'on met dans son réservoir ou les granulés de bois que l'on achète. Pour que nous puissions utiliser cette énergie il a d'abord fallu par exemple extraire des hydrocarbures, les transporter et les transformer avant de les livrer chez le pompiste, ou brûler du combustible pour faire de la vapeur afin de produire de l'électricité. Dans ce dernier cas, les deux tiers en gros de l'énergie partent dans l'atmosphère et un tiers est transformé en électricité. C’est l’énergie secondaire. Puis il faut compter les pertes en lignes et les pertes de conversion avant que cette électricité arrive au compteur : nous retrouvons l'énergie finale. Enfin cette énergie finale est perdue en grande partie en émettant de la chaleur, par exemple pour faire briller une ampoule. Ou bien une partie de la chaleur produite par votre chaudière va dans l'atmosphère en passant par le conduit de cheminée. Ce qui reste, c'est l'énergie efficace. Elle dépend de l'efficacité énergétique de nos équipements.

Ce n'est pas fini : l'énergie efficace ne correspond pas toujours à un réel besoin. Par exemple quand on chauffe abusivement certaines pièces - de quoi se rendre malade en réalité - ou qu'on éclaire une pièce inoccupée, ou qu'on laisse branché des appareils inutilisés, ou qu'on utilise une voiture pour éviter de faire 5 minutes à pieds. Pour se rendre à une salle de sport par exemple !

On voit bien que, de l'énergie puisée dans la nature à l'énergie réellement utile, il y a un long chemin qui engendre de lourdes pertes. Certaines sont inévitables, d'autres le sont nettement moins. Réduire ces pertes permettrait une économie d'énergie très importante sans toucher au service qui nous est rendu, et donc sans toucher à notre confort.

Négawatt a ainsi développé la notion de "service énergétique rendu" (cf. Négawatt). Ce groupe d'ingénieur est parti du constat exprimé dans le paragraphe précédant, et conclut que le meilleur gisement d'énergies renouvelables, qui permettra de réelles économies à moyen-terme tout en réduisant l'impact environnemental et social de notre consommation sans toucher à notre confort - mais au prix d'un effort tout de même - consiste en un scénario en trois strates à traiter simultanément : Sobriété, Efficacité énergétique, Energies renouvelables. Il est à la base des politiques énergétiques de développement durable.

Ainsi, avant de savoir combien produire et comment produire, il convient de se poser d'abord ces deux questions : Quels sont nos besoins énergétiques ? Quel est le chemin qui, du besoin satisfait à l'énergie primaire, est socialement, économiquement et d'un point de vue environnemental le plus intéressant ?

 

Annexes :

 

 Les chiffres - Sources d'énergies en France

tableau-sources-d-energie-France-2009

* Les chiffres concernant la part dans l'électricité du nucléaire, du charbon, du pétrole et du gaz sont déduites des productions d'énergie primaire, et leur total recoupe le total en énergie primaire de ces énergies donné par le SoeS

 

Par type et sources d'énergie


type-et-source-d-energie-France-2009

(D'après données disponibles avril 2011)

 

 

 

Sources

- RTE 2010

- Bilan Énergétique de la France 2009, SoeS

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(D'après données disponibles avril 2011)