GoldStandard« Un traité permettant seulement de réduire de quelques dixièmes de degré la température dans plusieurs décennnies n’est pas très utile, et demanderait énormément d’effort »

 

Réponse : Nous sommes ici parvenus au dernier barreau de l’échelle des climatosceptiques. Une fois admis que finalement il y a bien réchauffement, que finalement il est peut-être dû à l’homme et que finalement cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses, le dernier recours consiste à dire qu’on ne peut rien y faire ou que le coût serait trop important…

En réalité, il n’y a aucune raison pour dire que le processus en cours aujourd’hui ne sera pas efficace.

Le processus de Kyoto n’est qu’un début. Ce début prend du temps, c’est vrai. Il faut dire qu’au début des années 1990 les discours scientifiques utilisaient des formules de prudence qui étaient interprétées comme des incertitudes. Par ailleurs les campagnes climatosceptiques, commanditées par certains intérêts industriels dès les années 1990, ont réussi à différer les mesures fédérales aux USA, et à obtenir que ce pays ne ratifie pas le protocole de Kyoto (Les Marchands de doute, Naomi Oreskes et Erik M. Conwayet, Le Populisme climatique, Stéphane Foucart, The Hockey Stick and the Climate Wars, Michael E. Mann). Par ailleurs, des changements importants dans l’économie mondiale ont modifié l’équilibre économique de la planète, rendant la forme du protocole – qui était conçu pour aller jusqu’en 2012 - un peu obsolète.

Aujourd’hui, les multiples confirmations des travaux des climatologues, les enquêtes de plus en plus nombreuses sur l’activité des climatosceptiques outre-atlantique, ainsi qu’une nécessaire réévaluation des équilibres économiques, doivent permettre de relancer le processus.

Même les pays qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto ou qui ne sont pas engagés par celui-ci, comme les USA ou la Chine, reconnaissent les enjeux, prennent des initiatives et sont souvent en pointe dans la recherche et dans le developpement des énergies renouvelables. Reste à inscrire cela dans des engagements, car la technologie seule ne suffit pas (voir partie article énergie). Mais certains Etats ou ville américaines prennent des initiatives.

La suite du protocole de Kyoto n’a donc pas été encore mise en place en partie à cause des campagnes climatosceptiques, menées avec succès outre-altantique. Comment peut-on alors dire que cette suite ne sera pas efficace, puisqu’elle n’existe pas encore ?

On sait qu’il existe plusieurs exemples de régulations, nationales ou internationales, qui ont bien fonctionné.

La limitation des gaz détruisant l’ozone stratosphérique a été un succès. Heureusement, car le danger était immédiat. Et plus facile à éviter (1).

La réglementation sur l’air aux États-Unis, grâce notamment à un marché de droits d’émissions sur les émissions de soufre (pluies acides), a été efficace après une période d’échec. On sait maintenant que la réussite d’un tel marché dépend d’un pilotage adéquat. Justement, cette expérience a permis d’en tirer des leçons.

Partout dans le monde des stratégies permettant de limiter son empreinte carbone se mettent en place, souvent avec succès. Cela montre que la chose est possible. On a appris à comptabiliser l’empreinte carbone et de nombreux ingénieurs, manageurs ou responsables politiques sont prêts et agissent. On a vu, lors de la préparation du sommet de Copenhague ou lorsqu’il était question de mettre en place une fiscalité carbone, que les entreprises et les collectivités étaient prêtes à relever le défi. Ils attendent un signal clair de la part de la communauté internationale.

Nombreux sont ceux qui sont dans les starting-blocks… Ils sont bloqués par les échecs depuis 2008 des négociations, en partie dues aux manœuvres et aux falsifications des marchands de doute.

Par ailleurs, les climatosceptiques insistent sur le danger économique que représenteraient les efforts concernant le climat.

Pourtant, dans le passé, la mise place de réglementations environnementales n’a pas nui à l’efficacité économique, au contraire : elles ont permis une activité nouvelle. Cela sera le cas, n’en doutons pas, pour ce qui est des politiques énergétiques. A condition qu’il y ait un équilibre au niveau international.

De telles mesures seraient plutôt une chance pour un nouveau type de développement. Parce qu’une dépense supplémentaire, quelle qu'elle soit, est toujours une recette pour d’autres agents économiques. On pointe souvent les coûts d’une réglementation en oubliant toujours de dire qu’un coût est aussi une recette pour d’autres, ce qui génère une croissance économique et donc des recettes. C’est pourtant là l’un des b.a. ba de la science économique ! A condition que ces règles soient équitablement réparties dans le monde pour éviter les distorsions de concurrence.

Ainsi le réchauffement climatique est aussi une opportunité pour un nouveau développement. A condition justement qu’une politique internationale soit mise en place. C’est pourquoi la poursuite du processus de Kyoto est un outil très puissant dont la mise en œuvre serait bénéfique.

 

 Retour à la liste complète des objections climatosceptiques et des réponses.

 

Note (1) :

 

Danger immédiat, danger lointain …

C’est une chose bien connue que la considération d’un danger lointain et diffus, mais important, est souvent moins présente à notre esprit que la jouissance immédiate de choses porteuses de ces mêmes dangers.

C'est sans doute l'une des raisons pour laquelle le danger concernant la couche d’ozone, qui pouvait être ressenti comme immédiat et qui était déjà perceptible à certaines latitudes, a été suivi par une action relativement prompte et efficace. Justement parce qu’il pouvait être ressenti, concernait le présent ou le futur immédiat, et concernait tout le monde d'une manière concrète.

Mais pour le climat, il sera bien trop tard pour agir lorsque le danger sera ressenti concrètement et avec évidence.

Cela n'est pas une surprise. Locke le disait déjà au XVIIe :

« Comme les objets qui sont prêts de nous, passent aisément pour être plus grands que d’autres d’une plus vaste conséquence qui sont plus éloignés, de même à l’égard des Biens et des Maux, le présent prend d’ordinaire le dessus, et dans la comparaison ceux qui sont plus éloignés, ont toujours du désavantage. Ainsi la plupart des hommes, semblables à des Héritiers prodigues, sont portés à croire qu’un petit bien présent est préférable à de grands biens à venir» (Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, 1694, II, XXI, §63).

Apparemment, nous n’avons pas beaucoup évolué dans la prise en compte des conséquences futures.

A ce propos, nous voudrions faire une autre remarque concernant la communication sur les dangers du réchauffement :

Ces communications ont souvent joué sur la peur, le castrophisme, l'urgence : ainsi le slogan "Ultimatum Climatique", par exemple. Mais il n'est pas certain que cela soit la meilleure méthode pour inciter à un changement de comportement. La peur n'est pas toujours bonne conseillère et n'incite pas forcément à agir de la manière la plus pertinente. Au contraire, des perspectives positives peuvent représenter un puissant moteur.

« Un Désir qui nait de la Joie est, toutes choses égales d’ailleurs, plus fort qu’un Désir qui nait de la Tristesse », disait Spinoza (Ethique, IV, prop. 18).

Autrement dit la joie est plus forte que la peur. Une idée à méditer au sujet du réchauffement climatique. Même si le danger est bien réel, il sera plus efficace de mettre en avant les avantages à agir que les inconvénients à ne pas agir (lire la suite).

Voilà qui explique sans doute l’échec des fameux bandeaux sur les paquets de cigarettes. Non seulement cela n’a pas servi à réduire la consommation de tabac, mais cela l’aurait plutôt augmenté. Les fumeurs sont plutôt flattés d’apparaître comme des personnes qui ont le courage et le caractère de braver le danger. Ils seraient plus enclins à arrêter de fumer en considérant la joie qu’il y a à se libérer du tabac.

Ce précepte philosophique a d'ailleurs été plusieurs fois confirmé par des études psychologiques.

Il serait certainement plus efficace de miser sur les aspects positifs de l’action en faveur du climat. Or il y en a, et ils sont nombreux. Dans le passé, la mise place de réglementations environnementales n’a pas nui à l’efficacité économique, au contraire : elles ont permis une activité nouvelle. Cela sera le cas, n’en doutons pas, pour ce qui est des politiques énergétiques. A condition qu’il y ait un équilibre international.

Car nous sommes persuadés – bien que cela reste à prouver – que de telles mesures ne seraient pas un frein à l’équilibre économique, mais une chance pour un nouveau type de développement. Parce qu’une dépense supplémentaire, quelle qu'elle soit, est toujours une recette pour d’autres agents économiques. On pointe souvent les coûts, en oubliant de dire qu’un coût est aussi une recette pour d’autres, qui génère une croissance économique. A condition que cette réglementation soit équitablement répartie dans le monde pour éviter les distorsions de concurrence.

Ainsi le réchauffement climatique est certes, un danger, mais c’est aussi l’opportunité d’un nouveau développement.