Consensus scientifique et opinion populaire :

Il ne faut pas confondre consensus scientifique et opinion. Le consensus scientifique se forme après une période de doute et de scepticisme méthodique, de tentatives de réfutation, dans le cadre d’un dialogue scientifique mené pendant des dizaines d’années voir pendant des siècles, par le biais de publication dans des revues à comité de lecture. Une fois que la théorie est suffisamment clarifiée et confirmée à de multiples reprises par des équipes de recherches ou par des étudiants lors de leur apprentissage aux quatre coins du globe, un consensus s’installe et la recherche se déplace sur d’autres sujets.

Mais parfois l’opinion des non scientifiques peut résister longtemps encore. Il arrive qu’une connaissance heurte des convictions politiques, philosophiques ou religieuses, ou qu’elle soit trop contraire aux impressions des sens. Ainsi, la plupart des gens non instruits, à l’époque de Christophe Colomb, pensaient que la Terre était plate, alors qu’on savait qu’elle était ronde depuis au moins mille ans. Les idées de Newton ont mis du temps à percer dans l’opinion commune. Plus près de nous, tout le monde a entendu parler d’Einstein et de la théorie de la relativité, mais bien peu la connaissent. Quant à la physique quantique, qui a pourtant un siècle, la plupart ignorent tout de sa signification et de ses conséquences.

Contrairement à ce qu'on croit souvent, la théorie de Galilée a été rapidement admise par les scientifiques et, semble-t-il, par l’opinion. Elle était spectaculaire et son résultat principal pouvait s'énoncer facilement. Les scientifiques suivaient avec attention ses travaux. Ce sont des conflits politico-religieux qui ont entrainé l’Église à s’empêtrer dans une négation de ses résultats.

Par contre il est surprenant de constater aujourd'hui qu’après des siècles d’avancées prodigieuses de la science dont la validité est confirmée à chaque fois qu’on se sert d'un appareil à notre disposition, certaines théories mille fois vérifiées ne sont pas admises par la population. Celle-ci a pourtant un accès mille fois plus aisé à l'information et à l'éducation que du temps de Christophe Colomb.

C’est le cas de la théorie de l’évolution des espèces : plus de la moitié des Américains n’y « croient pas » et les choses ne semblent guère s’améliorer. Il semble que l’Europe commence à être contaminée par ce qu’il faut bien appeler un obscurantisme moderne. C’est aussi le cas à propos du réchauffement climatique. Cette théorie scientifique bien établie ne heurte ni des conceptions religieuses ni nos impressions des sens. Mais elle heurte des intérêts industriels, professionnels et personnels, et semble remettre en cause certaines de nos habitudes. Elle est également rejetée aux États-Unis au motif qu'elle heurte des conceptions ultra-libérales. Ce qui renforce d'ailleurs l'idée que ces dernières reposent sur des dogmes (puisque certains de leurs adeptes sont prêts à combattre la science si elle contredit leurs convictions. Ce faisant, ils donnent des arguments décisifs à leurs adversaires, qui un jour, seront largements reconnus).

Cette conjonction d’intérêts est redoutable. Certains industriels ont financé des organismes qui ont échafaudé un argumentaire et des techniques de communication. Ajoutez à cela une opinion qui n’a pas très envie de tirer les conséquences d'un réchauffement climatique, et des médias qui ne sont pas toujours prêts à distinguer la controverse scientifique de la controverse polémique.

En résumé, l'opinion n'est pas toujours prête à admettre la connaissance scientifique. Cette dernière n'est certes pas exempte de subjectivité, mais beaucoup moins que l'opinion qui obéit en principalement aux émotions qui nous traversent.

La science est désormais accessible à tous, au moins dans sa version vulgarisée. Des publications scientifiques de premier plan sont aujourd'hui accessibles comme jamais à l'aide d'un simple clic de souris. Rédigés, somme toute, dans un anglais lisible par tous. Encore faut-il s'en donner les moyens, même pour les textes vulgarisés : prendre sa tête entre les mains et lire attentivement, réflechir un peu. Mais les obstacles ne sont pas seulement cognitifs. Loin s'en faut.

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